« Ce soir, je vais à un concert de musique classique. Au programme Bach et Vivaldi »
Ce propos, fréquemment entendu çà et là, même s’il ne choque personne, est inexact. Prononcé tant par le professionnel de la musique que par le néophyte, cet exemple illustre à lui seul le détournement des mots et leur assimilation dans le langage courant. En effet, ici Bach et Vivaldi sont des compositeurs de l’époque baroque, et enterrés depuis longtemps lorsque l’époque classique débute. Et pourtant, on estampille de l’étiquette « classique » toute musique autre que celles diffusées par les principales stations de radio, imprécision notoire tant elle désigne pour le commun des mortels des musiques d’une extrême variété de styles et d’époques. Profitons donc de ces quelques lignes pour donner des points de repère justes et une définition plus précise de ce qu’est la musique classique.
La musique dite « classique » se rapporte à l’époque classique, dont les compositeurs emblématiques sont Haydn, Mozart et Beethoven. Définir une époque n’est pas chose aisée et l’on ne saurait donner une date précise sans être prudent, tant les changements esthétiques sont apparus à des moments différents, en des lieux différents et de manières différentes selon la discipline (littérature, peinture, etc…). L’époque classique est communément rattachée au 18ème siècle. Ce n’est pas pour autant que le 1er janvier 1800 la musique devient romantique !
Néanmoins, il arrive parfois qu’un petit détail dans une œuvre ou un événement endosse à lui seul le rôle de charnière, de bascule vers une autre époque. Une date précise devient alors un point de repère unanimement reconnu par l’Histoire. C’est ainsi que l’on considère que l’époque classique débute en 1750, année de la mort de Jean-Sébastien Bach, compositeur emblématique de l’époque précédente (l’époque baroque). Et pourtant, Joseph Haydn, considéré comme le père du classicisme (« Papa Haydn »), écrit ses premiers quatuors à cordes dans une veine largement encore baroque (la partie de violoncelle se comporte exactement comme une basse continue baroque, il ne s’émancipera que bien plus tard pour refléter vraiment le style classique)… Et nous sommes en 1757 !
De même, la frontière entre le classicisme et l’époque suivante (le romantisme) est floue, bien que marquée de dates repères. C’est ainsi que l’on considère que l’époque classique s’achève avec la troisième symphonie de Beethoven, dite « symphonie héroïque », créée en 1805. Dans cette œuvre, Beethoven compose hors des conventions établies du classicisme (quatre mouvements au lieu de trois, durée plus longue, rôle des cuivres aussi important que les cordes, expression des sentiments…) et apporte ainsi les prémices du romantisme en reléguant l’époque classique au passé. En résumé, lorsque l’on parle de musique classique, on évoque, souvent sans le savoir, la musique écrite entre 1750 et 1805.
Mais alors, quel est le terme exact pour désigner la musique autre que la musique populaire ? Faut-il parler de musique savante (par opposition à populaire) ? L’expression serait déjà plus juste.
Gageons qu’à la lecture de ce propos, nos habitudes langagières mèneront la vie dure à la précision du vocabulaire pour encore longtemps, mais un homme averti en vaut deux ! Avoir conscience de nos approximations est déjà un bon début !
Pour en savoir plus sur l’histoire de la musique et ses différentes époques, visitez le site internet de la Cité de la musique de Paris (cliquez sur « Dossiers pédagogiques » puis sur « Repères musicologiques » et enfin « Classique et contemporain »).
Crédit photo : Sabine Sauermaul – cc0